07/07/2022

La Fondation Ethos publie aujourd’hui sa prise de position par rapport à la consultation sur l’ordonnance relative au rapport sur les questions climatiques. Si Ethos salue la volonté du Conseil fédéral de légiférer dans le domaine du reporting non-financier et climatique des entreprises, Ethos regrette que le projet actuel ne les oblige pas à publier toutes leurs émissions de gaz à effet de serre – y compris les émissions indirectes – ni à faire vérifier les informations par une tierce partie indépendante.

À la suite du rejet de l’initiative pour des multinationales responsables en novembre 2020, le Conseil fédéral s’est attelé à mettre en œuvre le contre-projet indirect adopté par le parlement. Il a chargé le Département fédéral des finances d’élaborer une ordonnance d’exécution afin de préciser l’obligation pour les grandes entreprises basées en Suisse de rendre des comptes sur les questions climatiques. Cette ordonnance, qui se base sur les recommandations du groupe de travail sur l’information relative aux changements climatiques (TCFD), vise à « favoriser la disponibilité de données pertinentes et comparables sur les questions et objectifs climatiques ». Elle a été soumise à la procédure de consultation jusqu’au 7 juillet 2022 et devrait s’appliquer à partir de l’exercice 2023.

La Fondation Ethos, qui regroupe plus de 230 caisses de pension dont la fortune totale dépasse les CHF 350 milliards, est doublement concernée par cette ordonnance. En tant que représentante des institutions de prévoyance aux assemblées générales des entreprises cotées, elle sera en effet appelée à effectuer des recommandations de vote sur les rapports de durabilité qui seront soumis à l’approbation des actionnaires. De plus, les informations publiées par les sociétés seront essentielles pour aider les caisses de pension membres et clientes d’Ethos à rendre des comptes sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) qu’elles financent par le biais de leurs placements. 

La Fondation Ethos salue ainsi l’intention du Conseil fédéral d’introduire des obligations de divulgation d’informations liées au climat pour les entreprises d’une certaine taille, et cela en tenant compte non seulement des risques financiers que le changement climatique fait peser sur leurs activités mais aussi des effets que leurs propres activités peuvent avoir sur le climat (double matérialité). 

Exhaustivité et vérification des données publiées

La Fondation Ethos estime cependant que l’ordonnance demeure insuffisante pour permettre aux investisseurs de mesurer véritablement l’efficacité des plans climatiques des entreprises. Elle ne garantit en effet pas la publication d’informations suffisamment détaillées, comparables et pertinentes en matière de climat, seul moyen pourtant de permettre aux investisseurs d’évaluer la performance globale des entreprises et leur capacité à aligner leur modèle d’affaires sur la transition nécessaire pour atteindre l’objectif suisse et mondial de zéro émission nette de GES (« Net Zero »). 

Dans sa prise de position publique, la Fondation Ethos estime en particulier que l’ordonnance doit être améliorée sur les points suivants :

  • L’ordonnance est peu précise et contient de nombreuses formules lacunaires telles que « lorsque cela est possible et approprié », « idéalement » ou « si nécessaire », ce qui permet aux sociétés concernées d’éviter une publication exhaustive de leurs émissions de GES. En particulier, Ethos considère qu’il devrait être obligatoire pour les entreprises de publier et de se fixer des objectifs de réduction pour toutes les émissions de GES, y compris les émissions indirectes liées à l’utilisation de leurs produits ou à leurs chaînes d’approvisionnement. Or, le projet actuel prévoit qu’elles devront publier toutes les émissions de GES, y compris les classes importantes des émissions de scope 3, seulement « lorsque cela est possible et approprié » ;
  • Ethos considère que la publication d’objectifs intermédiaires de réduction des émissions de GES sur 5, 15 et 30 ans devrait également être obligatoire. Or, la version actuelle du rapport explicatif mentionne que la mise en place de tels objectifs intermédiaires serait « idéale » ;
  • L’ordonnance devrait exiger une publication des émissions de GES pour les deux dernières années au moins. Cela est le seul moyen de permettre aux investisseurs de comparer l’évolution à périmètre constant, comme c’est le cas en comptabilité financière ;
  • L’ordonnance devrait rendre obligatoire la vérification indépendante du rapport climatique. Pour garantir la fiabilité des données publiées, Ethos considère en effet que les entreprises visées par l’ordonnance devraient être tenues de les soumettre au contrôle d’une tierce partie indépendante. Cette vérification obligatoire est d’ailleurs prévue par la directive européenne CSRD, qui exige du contrôleur légal des comptes qu’il effectue une mission d’assurance limitée en ce qui concerne les informations en matière de durabilité publiées par une entreprise. Cette exigence devrait par conséquent être reprise par l’ordonnance suisse ;
  • Ethos regrette également que la question de l’approbation du rapport sur les questions non-financières par un organe de l’entreprise ne soit pas abordée dans l’ordonnance. En effet, le Code des Obligations (art. 964c) souligne que celui-ci doit être approuvé par l’organe compétent pour l’approbation des comptes annuels, soit l’assemblée générale. Il n’est toutefois pas stipulé clairement si le rapport doit être approuvé dans le cadre d’un vote contraignant ou consultatif de la part des actionnaires. Pour la Fondation Ethos, le fait qu’il doive être approuvé par « l’organe compétent pour l’approbation des comptes annuels » tend toutefois à confirmer que le vote lors de l’assemblée générale sera contraignant, comme c’est le cas pour le vote sur les comptes annuels.
     
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